rose stellaire

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dimanche 16 avril 2017

Responsabilité

Entre "je fais" et "Ça le fait" il n'y a pas d'espace. Il n'y a qu'un mot: Responsabilité.

Ces mots sont ceux d'un ami. Ils sonnent encore et font trembler la structure même de cette dualité. Je sens en moi comme des échafaudages impuissants face à l'amplitude des vibrations qui les parcourent. Cela ne s’effondre pas encore, je le vois bien, mais cela tremble. Cela tremble de ce qui le met en mouvement et cela tremble de peur également. Et cela tremble de voir que le mouvement gagne en étendue et concerne une autre structure: dualité entre ma réalité première et ce jeu de labyrinthe appelé la plupart du temps égo.
  
Responsabilité. C'est un effleurement. Ce n'est pas une rencontre, ce n'est pas un entrelacement des deux. C'est cette troisième réalité où ni l'un ni l'autre n'est nié, ni l'un ni l'autre n'est validé.

 Cela ne s'effondrera pas. Ce n'est pas le but. Mais cela tremble assez pour que je goûte cette troisième réalité. Je ne pourrai plus prétendre à l'ignorance de ce lieu.

C'est ce lieu où j'arrête de jouer dans le labyrinthe en aveugle. C'est le lieu où je suis en capacité de dire oui à ce qui est premier et qui dirige mon regard.

Il ne s'agit pas de la responsabilité de "voir". Ce n'est pas "moi" qui voit. C 'est l’Œil qui voit lorsque le Feu consent à brûler les supercheries. Ce regard ardent qui brûle pour révéler, qui révèle pour brûler, c'est cela ma réalité première.

Non il ne s'agit pas de voir. Ni même de soutenir le regard. "Moi" n'est pas en capacité de soutenir le regard sur ce qui est révélé. Il faut toute la souveraineté de la Puissance pour maintenir le regard afin que la mutation opère. Afin qu'il y est un avant et un après.

Alors quoi? 

Sentir ce moment en suspension où tout est là: l'abandon et la retenue, le sacrifice et la sauvegarde. 

Investir pleinement ce moment, sentir en soi les plaques continentales qui se choquent et se déchirent, ces masses énormes, ces titans qui s’affrontent,  les volcans crachent, des océans s'évaporent, d'autres sont absorbés dans des gouffres infinis. Tout ça n'a durée qu'une seconde. 

Que s'est-il passé? 

Rien. 

Un peu d'agitation émotionnelle tout au plus. 

J'ai pleuré... j'ai eu mal... un peu... 

...l'insensibilité s'installe à nouveau... l'esprit analytique tire des conséquences... 

Le labyrinthe a muté, il s'est fait plus subtil pour s'ajuster, pour se fondre, pour se soustraire au regard...

Et pourtant... j'étais là, j'ai tout vu. 
Mon Intelligence s'est nourrit de cet éprouvé, aussi peut-elle opérer. 
Et l'Œil révèle et brûle le jeu de dupe. 

Je vois que "je" pose les conditions de mon expansion et "je" me débrouille pour ne pas y répondre. "Je" n'a jamais eu réellement l'intention de se libérer de lui même, "je" n'a jamais eu réellement l'intention de mourir. Il faudra passer outre ses conditions, ses exigences, ses valeurs. La guerre est déclarée.

Il faudra passer outre ses conditions, ses exigences, ses valeurs.
 
Vertige. 

"Je" tremble. De rage. 

L'espace d'un instant, il n'a plus fait semblant, j'ai vu son visage originel.

Une scène me revient en mémoire sauf que sous l'apparente bienveillance des personnages sourde toute la cruauté du "je" qui œuvre. D'autres scènes, d'autres personnages, et cette lumière crue qui ne laisse plus de doute.

Envie de vomir.

Vertige encore. Sensation d'engloutissement. 

Alors quoi?

Dire oui à ce qui est premier et qui dirige mon regard.
Se laisser infuser par ce moment en suspension où je me sens déchirée entre deux mouvements.
Se voir exsangue de s'être éprouvée et pourtant recevoir le choc de la Vision, et pourtant, éprouver encore, les ondes de ce choc, sentir, voir, goûter, les structures qu'elles ébranlent.
Ne pas se laisser oublier.

lundi 20 mars 2017

Paradoxe

Tant que je demande, j'affirme l'absence, et ce que je demande m'échappe sans cesse...

Lorsque je goûte ce que je demande, à l'instant où j'effleure ce que je demande, un mouvement en moi, réflexe primaire, essaie de le saisir, et dans l'instant, ce que je goûtais n'est plus.

Et ça hurle en moi. Ça hurle comme un volcan qui implose à défaut de pouvoir exploser.

Et j'en viens à demander la capacité de ne plus demander. Le volcan décuple d'intensité.

Il n'y a rien à faire, je ne peux rien faire. Je suis condamnée au paradoxe.

Je commence à baisser les armes. Oh pas complètement, mais suffisamment pour créer un espace un peu moins bruyant. Et sans que je m'en rende compte, l'alchimie s’opère...Une brèche s'ouvre dans le mental, puis une autre dans ce mental qui joue au non-mental...

Je n'obtiendrai pas ce que je demande. Soupir.  Bien, alors que vais-je faire maintenant?
Puis je lève les yeux et embrasse ma vie d'un regard clair, lavé d'attente ou d'espoir. 
Voyant que je les contemple sans enjeu, les choses consentent à me dévoiler leur possibles... Floraison de mille couleurs! 
Tout est offert. Si je ne le goûte pas, ce n'est pas parce que ce n'est pas là. C'est parce que je ne le reconnais pas en tant que tel.

Puis la vie reprend son cours et le mental sa puissance, son trône... Et j'oublie, ou plutôt je ne le goûte plus. La brèche s'est refermée, je n'ai plus accès à cette connaissance éprouvée. Seul le souvenir que ça a existé demeure... mais le souvenir de quoi au fait, cela s'efface de plus en plus...Et plus je tente de le saisir, plus je m'en éloigne, et plus je m'en éloigne, plus je tente de le saisir... Au lieu de simplement dire "oui" au fait que je ne le goûte plus. Le mental reprend son trône vous dis-je.

Et à nouveau je baisse les armes. C'est ainsi je ne le goûterai plus...
La vie est aimante pour qui baisse les armes me semble-t-il, car voici qu'elle m'offre une nouvelle bataille dans laquelle sacrifier encore quelques illusions!

Je suis devant un choix. Des enjeux colossaux, un choix impossible. 
Je bataille, je me sers de toute les armes connues, à coup de bon sens (pff!), à coup "de conscience" (tu parles!), à coup "d'amour" (ben voyons!), j'en prends de nouvelles, rien n'y fait. L'évidence ne vient pas. La voie à suivre ne s'éclaire pas. L'étau se resserre. 
Et oui mesdames et messieurs, car le facteur temps joue, c'est lui qui porte le mouvement de resserrage, sans lui pas de danger, un enfermement certes, mais pas de mise en pression. 
Je bataille. Jusqu'au dernier moment, je bataille. Pour contrer le resserrement, pour me laisser le temps de trouver une porte de sortie, l'endroit où je sais que j'aurais fait le bon choix!

Je suis dans un étau qui me comprime jusqu'à ce que je n'ai plus de force, plus d'arme, plus d'espoir de me soustraire à cette pression. 
Jusqu'à ce que je cesse de regarder ailleurs pour trouver une échappatoire. 
Alors j'éprouve cette pression au plus près. Alors l'insoutenable occupe tout l'espace. Alors ce qui tenait jusqu'à présent se laisse craquer. Alors la fulgurance d'un éclat de conscience. En un instant je me fluidifie, je coule naturellement, sans effort, hors de l'étau, vers le bas, ou vers en haut, peu importe. Je suis hors de l'étau. L'étau n'est plus.
 
- Et maintenant on va où? 
- Il n'y a pas d'après (pour le moment), tout est là, éprouve le.


" Se ré-veiller dans le sommeil, être témoin de la mécanicité du NON 
         ou du faux positif pour être AVANT toute pensée du OUI ou du NON, 
         L'AFFIRMATION PURE, C'EST LA DISSOLUTION DE L'ILLUSION!"

" La possibilité d'une INVASION de la Présence de l'Inconnu doit révéler toutes les constructions encore jamais vues et jamais éprouvées de la mémoire, du savoir , du connu. Découvrir le connu semble le premier pas et le dernier! Car Ce-Qui-Est, la Présence et la qualité silencieuse de la Conscience s'installe alors par l'Abandon intime à ce Puissant MYSTÈRE qui vient pour vous vider de toute la mémoire et de la blessure première de la pensée d'un "je" pensant ou d'une "grâce à l'autre" qui vous aurait octroyé ce privilège de l'extase! C'est une RUPTURE mon ami, c'est une RUPTURE! CELA-QUI-EST pulvérise avant, après!"

Solaris, "Le Soleil dans la Nuit - Entretiens radioactifs"


  

        HSIN SIN MING

La grande Voie n’a rien de difficile,  
Mais il faut éviter de choisir !
Soyez libéré de la haine et de l’amour :
Elle apparaîtra alors dans toute sa clarté !

S’en éloigne-t-on de l’épaisseur d’un cheveu,
C’est comme un gouffre profond qui sépare le ciel et la terre.
Si vous désirez la trouver,
Ne soyez ni pour ni contre rien !

Le conflit entre le pour et le contre,
Voici la maladie de l’âme !
Si vous ne connaissez pas la profonde signification des choses,
Vous vous fatiguerez en vain à pacifier votre esprit.

Aussi parfaite que le vaste espace,
Rien ne manque à la Voie, rien ne reste hors d’elle.
A accueillir et à repousser les choses,
Nous ne sommes pas comme il faut.

Ne pourchassez pas le monde soumis à la causalité,
Ne vous attardez pas dans une Vacuité excluant les phénomènes !
Si l’esprit demeure en paix dans l’Un,
Ces vues duelles disparaissent d’elles-mêmes.

Quand l’activité cesse et que la passivité prévaut,
Celle-ci à son tour n’en est que plus active.
Demeurant dans le mouvement ou la quiétude,
Comment pourrions-nous connaître l’Un ?

A ne pas comprendre l’unité de la Voie,
Le mouvement et la quiétude conduisent à l’échec.
Si vous vous arrachez au phénomène, celui-ci vous engloutit ;
Si vous poursuivez le vide, vous lui tournez le dos.

Plus nous parlons et plus nous spéculons,
Plus nous nous éloignons de la Voie.
Supprimant tout discours et toute réflexion,
Il n’est point de lieu où nous ne puissions aller.

Retournez à la racine : vous obtiendrez le sens ;
Courez après les apparences vous vous éloignerez du principe.
Si, pour un bref instant, nous retournons notre regard introspectivement,
Nous dépasserons le vide des choses de ce monde.

Si ce monde nous paraît sujet à des transformations,
C’est en raison de nos vues fausses.
Pas besoin de chercher la vérité ;
Il suffit de mettre fin aux vues fausses.

Ne vous attachez pas aux vues duelles ;
Évitez soigneusement de les suivre.
S’il y a la moindre trace de oui ou de non,
L’esprit se perd dans un dédale de complexités.

La dualité existe en raison de l’unité,
Mais ne vous attachez pas à cette unité.
Quand l’esprit s’unifie sans s’attacher à l’un,
Les dix mille choses sont inoffensives.

Si une chose ne nous offense pas, elle est comme inexistante ;
Si rien ne se produit, il n’est point d’esprit.
Le sujet disparaît à la suite de l’objet ;
L’objet s’évanouit avec le sujet.

L’objet, c’est par le sujet qu’il est objet ;
Le sujet, c’est par l’objet qu’il est sujet.
Si vous désirez ce qu’ils sont dans leur dualité illusoire,
Sachez qu’ils ne sont rien d’autre qu’un vide.

Dans ce vide unique, les deux s’identifient ;
Et chacun contient les dix mille choses.
Ne faîtes pas de distinction entre le subtil et le grossier ;
Comment prendre parti pour ceci contre cela ?

L’essence de la grande Voie est vaste ;
En elle rien n’est facile, rien n’est difficile.
Les vues mesquines sont hésitantes et irrésolues :
Plus on pense aller vite, plus on va lentement.

A nous attacher à la grande Voie, nous perdons toute mesure ;
Nous nous engageons sur un chemin sans issue.
Laissez-la aller et les choses suivront leur propre nature ;
Dans l’essence rien ne se meut ni ne demeure en place.

Obéissez à la nature des choses : vous serez en accord avec la Voie,
Libre et délivré de tout tourment.
Lorsque nos pensées sont enchaînées nous tournons le dos à la vérité ;
Nous sombrons dans le malaise.

Le malaise fatigue l’âme :
A quoi bon fuir ceci et accueillir cela ?
Si vous désirez prendre le chemin du Véhicule unique,
N’entretenez aucun préjugé contre les objets des six sens.

Lorsque vous ne les détesterez plus,
Alors vous atteindrez l’illumination.
Le sage est sans rien faire ;
Le fou s’entrave lui-même.

Les choses ne connaissent pas de distinctions ;
Celles-ci naissent de notre attachement.
Prendre son esprit pour s’en servir,
N’est-ce pas là le plus grave de tous les égarements ?

L’illusion produit tantôt le calme, tantôt le trouble ;
L’illumination détruit tout attachement comme toute aversion.
Toutes les oppositions
Sont fruits de nos réflexions.

Visions en rêve, fleurs de l’air :
Pourquoi devrions-nous nous mettre en peine de les saisir ?
Le gain et la perte, le vrai et le faux,
Qu’une fois pour toutes ils disparaissent !

Si l’œil ne dort pas,
Les rêves s’évanouissent d’eux-mêmes.
Si l’esprit ne se perd pas dans les différences,
Les dix mille choses ne sont plus qu’une identité unique.

Quand nous saisissons le mystère des choses en leur identité unique,
Nous oublions le monde de la causalité.
Lorsque l’arrêt se met en mouvement, il n’y a plus de mouvement ;
Lorsque le mouvement s’arrête, il n’y a plus d’arrêt.

Les frontières de l’ultime
Ne sont gardées ni par des lois ni par des règlements.
Si l’esprit est harmonieusement uni à l’identité,
Toute activité s’apaise en lui.

Quand les doutes sont balayés,
La foi véritable réapparaît, confirmée et redressée.
Plus rien ne demeure,
Rien qu’il faille se remémorer.

Tout est vide, rayonnant et lumineux par soi-même :
Ne fatiguez pas vos forces spirituelles !
L’absolu n’est pas un lieu mesurable par la pensée,
La connaissance ne peut la sonder.

Dans le monde de la vraie identité,
Il n’est autrui ni soi-même.
Si vous désirez vous accorder à elle,
Il n’est que de dire : non-dualité.

Dans la non-dualité toutes choses sont identiques,
Il n’est rien qui ne soit contenu en elle.
Les sages en tous lieux
Ont accédé à ce principe cardinal.

Le principe est sans hâte ni retard ;
       Un instant est semblable à des milliers d’années :
Ni présent, ni absent
Et cependant partout devant mes yeux.

L’infiniment petit est comme l’infiniment grand,
Dans l’oubli total des objets.
L’infiniment grand est pareil à l’infiniment petit,
Lorsque l’œil n’aperçoit plus de limites.

L’existence est la non-existence,
La non-existence est l’existence.
Aussi longtemps que vous ne l’aurez pas compris,
Votre situation demeurera intenable !

Une chose est à la fois toutes choses,
Toutes choses ne sont qu’une chose.
Si vous pouvez saisir cela,
Il est inutile de vous tourmenter au sujet de la connaissance parfaite.

L’esprit de foi est non-duel,
Ce qui est duel n’est pas l’esprit de foi.
Ici les voies du langage s’arrêtent.
Car il n’est ni passé, ni présent, ni futur.

Traduit du Chinois par L. Wang et J. Masui 

dimanche 29 janvier 2017

Amour


Qu’appelle-t -on amour ?
 

Des soifs étanchées. La plupart du temps. 

La plupart du temps lorsque je dis « je t’aime », l’autre pourrait entendre, s’il prêtait finement l’oreille, « je te suis reconnaissante d’étancher  ma soif de bien-être… » 

ou encore, ma soif de plaisir… 

ou encore, ma soif de douceur...

ou encore, ma soif de joie…

ou encore, ma soif de partage, de me sentir reliée… 

ou encore, ma soif d’être reconnue dans ce que je suis d’unique…

Alors je passe des contrats, pour être rassurée, assurée de ces moments là, où je suis bien, où je prends et donne du plaisir, où je me sens reliée, où je me sens unique... 

Alors je passe des contrats d’exclusivité… « Je n’aimerai que toi et tu n’aimeras que moi »…  « Cette intimité, cette vulnérabilité que j’offre au sein de notre relation, toi seul y aura accès »… « Tu sais que mon cœur peut désirer à l’infini et ni toi, ni moi n’avons de contrôle sur lui, mais mon corps, il est à toi, seulement à toi »… Je passe de tels contrats parce que sans ça je ne peux être aimée, sans ça, qui voudrait de moi. Je passe de tels contrats parce que sans ça je ne peux  m'abandonner à aimer, sans ça je suis au bord du gouffre en permanence. 

Alors je passe des contrats qui semblent naturels. Et pourtant quelque chose commence à crier à l’intérieur.

Alors je passe des contrats qui ne semble que des fils, mais qui parfois m’entravent aussi sûrement que des chaines. Qui se dressent comme un mur, lorsque que le Vivant , l’Instant qui se donne, voudrait m’emmener ailleurs…  

Qui leur donne ce pouvoir ? Moi bien sûr. Nul autre que moi ne peut m’octroyer ma propre liberté.

Alors un jour je sens bien que je serais autre si j’ôtais ces fils. Un jour, il y a un appel à se déployer autrement.  

Et je me trompe encore quand je réclame à l’autre de reconnaître ma liberté. Cet envol, je ne peux le prendre que seule.  

Je  revendique une liberté sans connaitre toute la profondeur qu’elle engage. Il n’y a qu’une chose que je connaisse : la sensation de son appel violent. Je viens de naître à un monde inconnu et il n’y a pas d’autre chemin que le vivre pour qu’il se révèle. Je n’en découvre les lois qu’après les avoir transgressées et les angles et les contours ne m’apparaissent qu’après m’être blessée à leur contact. A chaque blessure je meure et je nais un peu plus. Pour chaque effondrement, un nouvel espace s’ouvre en moi. 

Quel est ce feu qui m’anime, qui brûle encore dans la tempête, qui maintient un espace de clarté où je me tiens, encerclée d’obscurité, qui me permet de côtoyer le gouffre sans que tout de moi pleure ?  

C’est une intuition car rien n’est promis. Et une évidence qu’il n’y a rien d’autre à faire que de vivre cette intuition. 

Il y a des soifs qui ont besoin d’être étanchées, et si je les regarde comme telles au lieu de les noyer dans le mot amour, alors peut-être serais-je à même d’avoir un rapport plus sain avec elles. 

Le mot « amour », j’aimerais le réserver pour ce moment si particulier où nous nous rencontrons réellement. Lorsqu’il n’y a que la présence. Lorsque l’espace d’un instant, plus rien d’autre n’existe que ta présence, la mienne, et ce contact, indescriptible. C’est un espace hors du temps, ce qui s’est passé avant et qui se passera ensuite n’a aucune place. C’est un espace hors des enjeux, rien ne se donne, rien ne se prend, il n’y a pas de preuve, il n’y a pas de peur, on sait. 

C’est le moment où ce « je t’aime » naît d’un autre endroit. Il n’est plus la réaction à un endroit de moi qui appelait et qui a été rempli. Il émerge d’une qualité de contact qui n’est pas de ce monde. Pas encore.

L’Amour je ne sais pas ce que c’est. Mais si je devais choisir des mots de ce monde pour décrire ce que j’en perçois, si je devais choisir des mots de ce monde, ce monde qui a besoin d’abstraire, de séparer, pour comprendre, pour appréhender, je pourrais dire ceci : 

Ce que j’appelle le Vivant est à la fois l’essence et l’existence de toute chose. L’Amour est ce mouvement qui manifeste l’essence dans l’existence. L’Amour c’est le Vivant dans sa forme éprouvée.



C’est en ce sens que je comprends ce magnifique texte de Khalil Gibran :


Quand l’amour vous fait signe, suivez-le, 
bien que ses voies soient dures et escarpées.
Et lorsque ses ailes vous enveloppent, cédez-lui, 
bien que l’épée cachée dans son pennage puisse vous blesser.
Et lorsqu’il vous parle, croyez en lui, malgré que sa voix puisse briser vos rêves 
comme le vent du nord saccage vos jardins.
Car de même que l’amour vous couronne, il doit vous crucifier.
De même qu’il est pour votre croissance il est aussi pour votre élagage.
De même qu’il s’élève à votre hauteur et caresse vos branches 
les plus légères qui tremblent dans le soleil.
Ainsi pénétrera-t-il jusqu’à vos racines et secouera dans leur attachement à la terre.

Comme des gerbes de blé …
Il vous emporte,
Il vous bat pour vous mettre à nu,
Il vous tamise pour vous libérer de votre bale,
Il vous broie jusqu’à la blancheur,
Il vous pétrit jusqu’à ce que vous soyez souples.
Et alors … il vous livre à son feu 
pour que vous puissiez devenir le pain sacré du festin de Dieu.
Toutes ces choses, l’amour vous les fera pour que vous puissiez connaître 
les secrets de votre cœur et devenir, en cette connaissance, un fragment du cœur de la Vie

Mais si dans votre peur, vous ne recherchez que la paix et le plaisir de l’amour, 
alors il vaut mieux couvrir votre nudité et sortir de l’aire de l’amour.
Pour vous rendre dans le monde sans saisons ...
Où vous rirez, mais non pas … tous vos rires,
Et pleurerez, mais non pas … toutes vos larmes.
L’amour ne donne que de lui-même et ne prend que de lui-même.
L’amour ne possède pas et ne veut pas être possédé. Car l’amour suffit à l’amour.
Et ne pensez pas que vous pouvez guider le cours de l’amour.
Car l’amour, s’il vous trouve digne, dirigera votre cours.
L’amour n’a point d’autre désir que de s’accomplir.

Mais si vous aimez et devez avoir des désirs qu’ils soient ceux-ci :
Se fondre et être un ruisseau coulant qui chante sa mélodie à la nuit,
Connaître la douleur de trop de tendresse,
Être blessé par sa propre intelligence de l’amour
Et saigner volontiers et joyeusement,
Se réveiller à l’aurore avec un cœur ailé et rendre grâce pour une autre journée d’amour;
Se reposer à l’heure de midi et méditer sur l’extase de l’amour;
Rentrer en sa demeure au crépuscule avec gratitude.
Et alors dormir … avec en son cœur … une prière pour le bien-aimé
et sur les lèvres … un chant de louange.